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Edith Delarue

Autrice

Il pleut des hommes Edith Delarue Théâtre
Il pleut des hommes Edith Delarue théâtre

Il pleut des hommes

Pièce en 3 parties - environ 1h20

2 femmes

Alexandra: 30 ans

Valérie: 30 ans

2009

Traduction en anglais sous le titre A romantic meditation par Brigitte Sion

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2007

Publication chez ALNA Editeur

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Lecture publique à la Maison des Auteurs (Paris) 

Mis en lecture José Antoine Marin, avec Julie Autissier et Nadine Girard

Cie La Rose Tatouée

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2006

Représentations au Bouffon Théâtre puis au Théâtre de la Passerelle (Paris)

Mis en scène Christine Glasse, avec Nadine Girard et Julie Autissier

Cie l'Œuf bleu

 

 

Résumé

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Alexandra et Valérie, la trentaine, ont bien du mal avec les hommes qui occupent ou traversent leurs vies. Menant apparemment des existences fort différentes et ne se connaissant pas, elles partagent cependant, à leur insu, le même problème.

 

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EXTRAITS

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PARTIE I - SCENE 2

 

Alexandra :

C’est typique! Toujours la même histoire, toujours. Je crois que je vis dans un monde parallèle. Autour de moi, il y a des couples qui se forment, des garçons gentils, des hommes qui téléphonent, des mâles qui tombent amoureux. Pas dans mon monde à moi.

 

J’étais pourtant jolie ce soir. Quel gâchis ce maquillage ! Obligée de le retirer avec du démaquillant Guerlain à 120 euros la bouteille. Il aurait pu s’en aller à la chaleur d’un oreiller ou partir avec la sueur de nos ébats... Pas ce soir. Oui, j’avais fait un effort pour me préparer. Forcément, là, ça ne se voit pas. J’ai renfilé mon pyjama, celui d’hiver, le molletonné, pas beau, mais qui tient chaud dans un lit solitaire. Le téléphone n’a pas sonné. Le téléphone ne sonne jamais. Ce n’est pas un problème de combiné. Moi, j’ai téléphoné et ça a marché. Il m’a même dit: "je te rappelle”. Alors, j’ai commencé à rêver à la soirée et aux journées qui pourraient la succéder, aux promenades du dimanche, aux restaurants le soir après le travail, aux roses plein les vases.... On m’a dit: "c’est comme ça que ça se passe dans le monde normal ». Pas dans mon monde à moi.

 

Je me suis bien posée la question au moins mille fois, bon, d’accord disons 150. Pourquoi? Quand je me regarde dans la glace qu’est-ce que je vois? Quelque chose de pas trop mal. Trois kilos en trop. Faut pas exagérer, ça n’a jamais été une raison pour se faire rembarrer! Avec le maquillage, la jupe, les bottes et le collier, j’étais même plutôt sexy, sans être vulgaire. Il n’aura pas eu l’occasion de le voir. Lui pas plus que les autres.

 

Mais la question n’est pas là. Je l’ai tournée dans tous les sens, ça ne colle pas. Car pour dire la vérité, ça m’arrive régulièrement de me faire draguer, même par des mecs bien. Ils paraissent toujours bien au début. Mais que voulez-vous quand on est désespérée… Non, le physique, ce n’est pas ce qui cloche. Car sans vouloir être mauvaise langue, j’ai vu des filles très moches que l’on rappelait, j’en ai même vu qui arrivaient à se marier et même à avoir des gosses!

 

Alors, j’ai cherché ailleurs. Au moins, on ne pourra pas dire que je ne me remette pas en question. Le premier contact est bon. La première approche, j’y arrive encore. C’est après le fatidique “je t’appelle”…

 

Je me suis interrogée: coucher - pas coucher? Pareil ! Résultat : zéro, néant, nada dans les deux cas. Alors maintenant, je fais comme je le sens, sans me soucier d’après.

 

Mais quand même, j’aimerais bien un après, puisque ça a l’air d’exister. Puisqu’il y en a même qui vont jusqu’à se marier. Et j’ai même entendu dire que c’est l’homme qui demandait. Je suis alors passée à l’opération : observation. Mais le problème des couples, c’est qu’ils fonctionnent en cercle fermé. Il n’y a rien à voir. Et ce que j’arrive à discerner ne me donne aucune clef. Ça commence pareil, mêmes mots, mêmes gestes. Seulement pour moi, après, ça s’arrête.

 

Je me suis dit: je fume. J’ai acheté des chewing-gums. (Elle regarde sa cigarette allumée.) On peut bien se consoler. Peut-être que j’embrasse mal. Come on! Je suis française quand même.

 

J’ai posé des questions. Les filles : fais ci, fais ça! Rien ne marche. Les mecs, ils ne savent pas. Quant à mes ex s’ils répondent, ils disent simplement qu’on ne peut pas rester plus longtemps avec moi, jamais pourquoi. C’est juste comme ça, avec moi, on ne reste pas.

 

 

 

PARTIE II – SCENE 2

 

 

Valérie se fait couler un bain puis entre dedans.

 

Valérie :

Oh ! merci. Pas de repas chez ses parents.

Dire qu’il suffisait de lui demander d’y aller sans moi. Si j’avais su que ça pouvait être si facile je lui aurai proposé plus tôt.

Il leur racontera ce qu’il voudra, je m’en fous.

Le pire est que je suis sûre qu’ils vont être très contents de ne pas me voir. Surtout sa mère. Je lui ai pris son petit garçon. Voilà, comme ça, elle l’aura tout un repas, rien que pour elle. Elle va pouvoir lui dire tout le mal qu’elle pense de moi. C’est pas qu’elle se prive quand je suis là, non mais c’est différent.

Avec moi, ce sont des remarques sournoises. Elle est toujours très polie et garde le sourire.

Tout ce qu’elle sait de moi, c’est les films qu’elle s’est fait. Elle n’a jamais cherché plus loin.

Et sa façon de vouloir absolument me trouver un travail ! Si je l’écoutai, je serais caissière au Prisu.

Comment a-t-elle dit déjà ? Ah, oui ! « Surtout Valérie ne le prenez pas mal, si je vous envoie des offres d’emplois c’est pour vous aider. Je ne voudrais pas que vous croyez que je veux absolument que vous travaillez, ou que j’imagine que vous vivez au crochet de mon fils. »

Mais comment aurais-je pu penser une chose pareille ? Je sais bien qu’elle n’a que de bonnes intentions à mon égard.

C’est bizarre, quand même, comme elle sait si bien formuler ma pensée. Et comme en voulant me rassurer, elle ne fait que me conforter dans mes idées.

Je la déteste. Je suis seule, j’ai le droit de le dire. J’espère que je ne deviendrai jamais une mère comme elle.

Je devrais l’aimer pourtant, la voir comme la femme qui a mit au monde l’homme que j’aime.

Elle aussi pourrait me voir comme son espoir d’avoir des petits enfants. Mais voilà pour arranger tout, elle n’en veut pas. Et surtout pas maintenant. Elle se trouve trop jeune. Et moi bientôt, je serai trop vieille.

Bon allez, j’arrête de penser à elle. Je me suis fait couler un bain pour me détendre et il n’y a rien de pire pour me stresser que de penser à elle.

Voilà, c’est dimanche et j’ai toute ma journée pour moi. Il va rester là-bas jusqu’à pas d’heure. Elle va le garder à dîner, je peux compter là-dessus.

Et dimanche ressemble à n’importe quel jour de la semaine.

Peut-être que je devrais appeler ma mère à moi. Ça fait combien de temps que je ne l’ai pas vue ? Plus tard…

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